À Cotonou, lors de la conférence organisée par les Académies des Sciences du Bénin et de Belgique et devant 112 acteurs du secteur de l’énergie de tout l’Afrique et d’Europe, Claude Fischer Herzog, la directrice des Entretiens Européens & Eurafricains, propose aux pays de l’Afrique de l’Ouest de nouer un pacte de solidarité énergétique pour promouvoir l’industrialisation de la sous-région et plaide pour des coopérations renouvelées avec l’Europe pour valoriser les atouts des pays de la zone et les projets africains.
Résumé de l’intervention
La conférence s’inscrit dans le débat sur le « monde d’après », dont chacun espère qu’il sera différent. La crise globale sera-t-elle une opportunité pour changer nos modèles de croissance ? Aller vers la transformation du capitalisme en Europe, inventer de nouvelles relations permettant à l’Afrique de bâtir une croissance plus inclusive et son émergence dans la mondialisation ? Créer de nouveaux modes de gouvernance ici et là-bas ?
Les moyens mis en œuvre en Europe en Afrique pour faire face aux défis sont sans commune mesure : injections massives de liquidités et endettement permanent en Europe, levée du moratoire de la dette et fonds de tirage spéciaux très insuffisants en Afrique. On parle de « new deal », de « plan Marshall » pour aider l’Afrique, on se gargarise de slogans alors que les besoins sont immenses. Et à l’heure de la COP 26, il pleut des annonces pour aider l’Afrique à réussir sa « transition énergétique ».
L’Afrique est riche de sources énergétiques diversifiées dont elle a besoin pour produire, transformer ses matières 1ères sur place (mines et agriculture), se nourrir, se soigner et répondre de manière adaptée aux besoins des secteurs industriels et des territoires. Or, l’électrification des régions reste à faire.
Quelle est la stratégie de l’Afrique de l’Ouest pour réaliser son interconnexion et valoriser les projets décentralisés d’électrification ? Un pacte de solidarité énergétique est-il envisageable ? Tout en respectant les atouts de chaque pays, il pourrait se fixer l’objectif d’un marché régulé où l’électricité – qui n’est pas une marchandise comme une autre mais un bien public essentiel – bénéficierait de politiques publiques et de garanties nationales. Les investissements dans la construction de centrales, des réseaux de transports et de distribution sont longs et lourds, ils nécessitent des partenariats public/privé, et des soutiens publics internationaux.
Or, l’Union européenne a tendance à conditionner ses aides à ses propres critères et à imposer ses modèles avec une priorité aux énergies renouvelables et à l’efficacité. Au contraire, et au regard des effets pervers que cette stratégie crée en Europe, ne doit-elle pas soutenir l’Afrique dans la construction d’un mix diversifié utilisant tous ses atouts (y compris l’uranium) et pour le financement des infrastructures ? Comment travailler avec les bailleurs de fond internationaux ? Comment organiser une mobilité positive pour le transfert de technologies et la formation des compétences sur place ? Comment mieux associer les sociétés civiles aux choix collectifs et les préparer aux coopérations interrégionales ?