Un évènement pour se faire entendre : l’ancêtre des « deaflympics » est créé en 1924
Les spectateurs du formidable « Ora », le film de Michel Garcia présenté par OpenWorld Regards Croisés ce vendredi 27 septembre à l’Institut des jeunes sourds de Paris, ont pu visiter avant la projection, une touchante exposition de photos consacrée aux Premiers Jeux internationaux silencieux de 1924.
Accompagnés par José Vazquez de l’Amicale des anciens élèves de Saint-Jacques, et Michèle Vignaux, historienne et membre du CA d’OpenWorld, ils ont découvert l’existence d’un phénomène bien peu médiatisé, des jeux mondiaux consacrés aux sportifs sourds depuis 1924, c’est-à dire bien avant les premiers jeux paralympiques de 1960.
Les jeux silencieux – appelés aujourd’hui les deaflympics » – sont l’aboutissement d’un mouvement qui commence en France à la fin du XIXème s avec la création de la première association sportive sourde en 1899, à une époque où les sourds étaient considérés comme « peu intelligents ». L’initiateur, le Français Eugène Rubens Alcais, lui-même sourd, est un passionné de vélo, fondateur du premier championnat de France de sportifs sourds en 1919. Avec le Belge Antoine Dresse, il organise à Paris les premiers jeux qui rassembleront 145 sportifs venus de neuf pays européens. Les athlètes concourront dans six disciplines. Initiative révolutionnaire : une femme fait partie des concurrents ! Une seule femme… mais cette Néerlandaise gagne la médaille d’or du 100m dos.
C’est un sourd, sportif lui aussi, Alexandre Pétin, qui est l’auteur de la quarantaine de photos proposées lors de l’exposition. Les concurrents posent avec des organisateurs en costume et chapeau mou, dans des lieux sans décorum. Pas de drapeaux en haut des mâts, pas de foules exaltées dans les tribunes, une petite route de campagne pour l’épreuve cycliste. Cette modestie est accentuée par le tirage des photos selon le procédé de la « phototypie » utilisé alors. Peu contrastées, un peu floues, ce ne sont pas des photos-chocs mais des photos qui nous montrent simplement cyclistes, coureurs, lanceurs de javelot dans l’effort.
Une question se pose : pourquoi ces athlètes ne sont-ils pas intégrés aux jeux paralympiques ? Une question complexe qui, nous a expliqué José Vasquez, divise les sportifs sourds eux-mêmes, entre ceux qui ne voulaient pas être reconnus comme « handicapés », et les autres, et le comité international. Une position qui a pénalisé des athlètes de haut niveau, dont le handicap de la surdité doit pouvoir être reconnu, et qui doivent pouvoir se mesurer aux autres athlètes handisport, et s’y préparer avec tous les moyens…
Rendez-vous pour les prochains « Deaflympics » (qui ont lieu comme les JOP tous les deux ans en alternance, en Turquie cette année pour les jeux d’hiver, et à Tokyo pour les jeux d’été en 2025 )… et pourquoi pas en 2028 à Los Angeles et 2030 à la Clusaz ?
Photos de Laurent Lô et video de François Maury, OpenWorld-Regards croisés.